‘The classification of the constituents of
a chaos, nothing less is here essayed’
Herman Melville, Moby Dick



4.

La femme s'est échappée ! Par charité on l'avait habillée, puis on l'a perdue de vue. Maintenant la femme c'est moi. Je me suis échappée par ma ruse et par la puissance de mon corps que je sais réduire. Alors on ne sait plus me voir. Simplement d'être habillée et ça vire à l'invisible. Comme les murs sont noirs dans cette ville flamande ! C'est le jour maintenant. Je touche mon pubis rasé par l'échancrure de la robe, c'est doux, sec, franc, caressant, je caresse. Merde, je redeviens visible.Tout est si vrai que j'ai l'impression d'être à New York, à la télévision, donc ce n'est pas ça, pourquoi ? Il s'est passé beaucoup de choses il semble cette nuit. Moi c'est vers la gare que je me dirige. Pas besoin de métro. Il y a des gens qui ne manifestent pas dans ces rues. Dans l'angle de l’œil on croit apercevoir des drapeaux noirs et rouges mais, ne pas tourner la tête car ils ne sont jamais là. Ne pas regarder les passants non plus, on verrait qu'ils ont tous les poignets tranchés.

Je pourrais enfoncer ma main dans la poitrine de celui-là et lui arracher le cœur. Je pourrais arracher la bite de celui-là et lui remplacer les yeux par les testicules, machinalement. Je pourrais écraser l'un contre l'autre les visages de ces deux-là jusqu'à se faire toucher leurs cerveaux. Je pourrais remplir les seins de celle-là de ses dents, de ses phalanges. Si j'ouvre ma robe là, maintenant, je sais que la police peut venir me chercher. Si je colle la bouche de ce môme contre mon sexe, il sera dit que c'est mal, et j'aurai des ennuis. Simplement si je chante on me regarde déjà de travers. Si vous saviez. Ou peut-être ils ont tous ces pensées en tête. Qui ne se voit pas se casser les dents, se crever les yeux, se trancher les tendons à chaque fois qu'il prend un couteau ? Lui que je sais derrière moi à regarder mon cul, pourquoi il ne soulève pas simplement cette robe pour me planter son truc ? S'il le fait, un autre serait capable de l'en empêcher au lieu de profiter de l'autre côté. Comment faire pour avoir de l'amour vrai ? Avoir deux hommes c'est vulgaire, ou plutôt on ne trouve que deux hommes vulgaires, ou même on ne trouve deux hommes que vulgaires. Moi c'est par amour, je veux aimer deux hommes.

C'est comme en vouloir un dans le cul. Ce n'est pas, je veux dire, cela n'a rien de, enfin ça ne signifie rien, en ce que le sens n'en est pas extérieur, comme ça, à quatre pattes, comme une chienne, comme ça, dans le cul, c'est touchant, de l'ordre du, de l'indicible, comme un oiseau plutôt, en fait, comme échappée et portée par l'air. Ce n'est pas être anale, plutôt philosophe, moins de contact et plus de liberté, une caresse à l'arrière du cerveau, si l'espace pouvait être blanc, une combinaison dont une bite qui me va et vient dans le cul n'est qu'un élément. Soit l'esprit se disperse, soit il se concentre, que vaut d'être éparpillée par son vagin, c'est juste doux, je pourrais aussi bien être seule, et en même temps plus incarné, plus viande. Je pense, un ventilateur devant le visage devrait encore, le vent est bien sur physique, mais agit à un niveau d'intellection animal. Je pourrais aussi être un homme, mais sans avoir le choix, c'est moins, il manque une dimension, une féminité, un pouvoir.

Il faut que j'aille dans un coin pour arracher ce désir de mon ventre, tout cela est trop mental et je ne peux le partager avec personne, puis ma chatte glabre est trop agréable à caresser et aussi trop fragile pour la laisser à un autre. Ou trouver une gentille fille qui me lèche, mais à cette heure-là on peut admettre que les gens ne se lèvent que pour aller travailler. C'est incompréhensible mais si je vais au milieu de la rue et que je soulève ma robe et que je crie clairement : "qui veut me lécher ?", je peux aller en prison. Personne ne le fera d'ailleurs. Ou un type vulgaire, parce que c'est sa seule occasion de l'année de lécher une jolie chatte. Mais pas cette jolie lycéenne là, parce qu'elle me trouverait belle et attirante. C'est un miracle permanent que tout le monde ne devienne pas fou furieux. Que cette haine de l'autre de ne pas l'aimer ne s'actualise pas dans des explosions de barbarie. La chair non-aiméee n'est que de la viande de boucherie. C'est la guerre mais toujours ailleurs — pour l'instant. Pas envie d'aller me terrer dans un chiotte pour me branler. M'allonger dans le soleil...

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à suivre...