‘The classification of the constituents of
a chaos, nothing less is here essayed’
Herman Melville, Moby Dick



2.

Mon chat est malade, il se cache pour mourir, je me cache et c'est pour mourir. J'ai su utiliser la fenêtre pour voir. J'ai vu l'armée de la République cerner la maison, des ninjas nains et ridicules. Ils pensent qu'il y a danger. C'est la fin de la nuit et c'est au travail de régner sur la République, de circuler dans ses rues. Il paraît que... On sait ce que c'est en Flandres. J'écris à Faye Wong, c'est une chanteuse chinoise, une star incroyable dans le Pacifique, je lui dédie ma vie. Il y a cette fille sur le lit qui n'était pas là avant, et qui a affaire avec le sang. Je crois. Je suis sur le lit, ou derrière l'ordinateur, cela n'a pas d'importance. Je suis nue pour mourir comme une guerrière celte, et ce que j'ai fait de mon corps prend enfin une signification. Ces bijoux d'acier chirurgical me font séduisante. Comment faire croire qu'il y a des armes ici ? Des couteaux de cuisine. Des vitres brisées. Un dangereux...

Plus de téléphone, que personne ne pose de questions. Dans la lumière du jour... S'il te plaît rase-toi la chatte, tu comprends ? Bien sûr, elle comprend, entre femmes... Difficile de choisir la musique pour ce moment : toutes les fictions du refoulement sont encore possibles, jusqu'au dernier instant. Pas trop de mise en scène. J'avais alors abandonné le cinéma, aussi la littérature. Mais pas la fenêtre. Comment faire durer ? Ne te coupe pas ! Assez de sang ! Enfin un amour. Mal à penser le passé proche. Mal d'avoir une enfance. Mal que tout ait été autre chose. Viens là, je lèche tes blessures. Comment rendre cela utile ? Faire mal à la République. Rien de symbolique. Rien de métaphorique. Rien de personnel. De plus en plus de jour. La brique noire de la ville. La rue est bien plus bizarre maintenant qu'elle ne l'était la nuit. Fermés les volets du rez-de-chaussée. De la musique différente à chaque étage, voilà l'idée ! Doom-en-Flandres ! Entrez dans mon labyrinthe ! Il n'y a rien et on y verra tout. La fenêtre peut tomber, elle tuera, mais je ne veux pas faire de littérature de cela, ce n'est pas bien. Je sens bien que cela est maladroit mais...

Apaisée, elle ne refuse rien. Aujourd'hui je fais l'homme. On pourrait jouer aux échecs. Il faudrait déménager les meubles pour être plus nues. Des armures pour la soldatesque républicaine. On pourrait leur jeter des livres ! Kafka ! Du sang. Bukowski ! Du sang. Gibson ! Du sang. Barbey d'Aurévilly ! Du sang. Mishima ! Du sang. Je ne dévoile rien, j'ai maquillé les noms, des noms d'hommes. Le pauvre petit chat malade rampe sous la chaise pour jouer d'être avec nous. Elle sait me faire gémir, c'est si rare de s'abandonner, c'est à aujourd'hui de me l'offrir. Encore plus de jour, du bleu. Je suis de nouveau devant l'ordinateur, je chasse Donald Duck pour continuer la lettre à Faye, elle ouvre la fenêtre, ELLE OUVRE LA FENÊTRE ! Debout dans l'encadrement de la fenêtre à l'étage, elle offre à la République sa nudité glabre. Trop nombreux pour prendre une décision. S'ils étaient des hommes, ils basculeraient maintenant de notre côté. Le mégaphone nous gâche Il ballo delle Ingrate de Monteverdi, je referme la fenêtre.

Il a dû se passer quelque chose pour qu'ils nous assiègent ainsi. Je dois éviter de relire. Elle m'attire encore à elle, elle voudrait que j'aie des bites. Je n'en ai pas. Machinalement... Elle joue avec mes bijoux. De l'autre côté de la rue. Il y a un ninja qui regarde par la fenêtre. Un immeuble de brique noire, je ne sais pas qui habite dedans mais je l'ai beaucoup vu. Il devient intéressant. Je suis derrière elle, je prends un truc sur le bureau et lui colle sous la gorge. Cela aurait pu être le contraire, c'est plus simple que ce soit moi. Les maisons de ce temps ne sont pas solides, quand on veut vraiment entrer. Jusqu'au dernier moment j'ai cru que j'allais plonger dans l'ordinateur. Une osmose avec le réseau ou un truc comme ça. Maintenant je ne sais vraiment pas ce qui peut arriver. Pas de passé, pas d'avenir — pas de mains, pas de chocolat. Le jour est le temps des impuissants.

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à suivre...