‘The classification of the constituents of
a chaos, nothing less is here essayed’
Herman Melville, Moby Dick



19.

Elle va pointer. Enfin, elle va faire acte de feinte allégeance. Elle va offrir son tribut d’humiliation au Pouvoir. La monnaie de l’ère post-industrielle. Quand la Bête n’a plus besoin de ta force de travail, ta soumission fervente la nourrira tout autant. Ton employabilité. Ton enthousiasme à croire et espèrer contre l’évidence. Ta reconnaissance envers les gras qui s’engraissent encore sur ton maigre. Après des siècles d'élevage, après avoir perdu toute capacité à pouvoir survivre de par soi, sans avoir le poid de l’économie mondiale et mondialisée sur le dos, tu ne vaux que par l’aveuglement de savoir ta place.
Elle s’en fout, sa fierté est ailleurs. Sa fierté est bien sûr de ne pas travailler. Ça se paye. Mais elle sait que ça ne va pas durer (en ce moment les bad cops sont au pouvoir – après ce sera les good cops pour colmater les brêches afin que le bazar ne s’effondre pas) alors elle ne fait plus semblant, elle y va désormais nimbée du niqab, c’est devenu sa came, elle ne veut plus le quitter. Elle a trouvé une forme de puissance calme. Elle ne le met pas pour rendre visiter aux parents.

Donc elle prend le train et passe la frontière pour voler l’argent de la République et le transférer dans le Royaume. Passer la frontière est le Mal. Ce qui est normal ici et bien ici devient un crime passée la frontière. Ils ont le même système au Royaume mais elle n’y pas droit car elle est de la République – de l’autre côté de la frontière. Je l’ai déjà dit, les frontaliers ne sont pas des gens comme des autres – et sûrement pas des bon citoyens. Car ils ont toujours la possibilité d’échapper à la République, non seulement physiquement, en passant la frontière, mais aussi conceptuellement. Ils ont l’autre juste en face. Mauvais. Parce que non seulement l’autre est autre, mais il est surtout pareil. Ça va se savoir. La frontière.

Donc elle prend le train. Elle est la Dame Noire. Enfin elle serrait la Dame Noire si son costume n’excluait pas qu’elle fût une dame. La tradition veut que sous le niqab on porte des dessous affriolants. Des strings en plumes d'oiseau de paradis, des soutifs qui clignotent et soupirent, des guépières en lamé d’argent ornées de strass multicolores, des porte-jaretelles en cuir clouté bordés de zibeline, des côtes de maille en or scintillant, des jupons de dentelle fushia et azur sertis de médaillons… Pas elle. Elle ne porte rien. Son bas-ventre est un nœud de serpents. Qui dévorent tout. Qui si elle ne se contient pas lui sortent de la chatte pour mordre. Qui si elle n’y pense pas à chaque instant lui sortent du cul pour cracher leur venin. Elle contrôle la situation en faisant de son esprit un lieu encore plus incandescent. Immobile derrière son voile, elle entretient la flamme avec des imaginations sanglantes.
Cette fille là, elle veut s’asseoir sur elle et se frotter la chatte sur son visage jusqu’à ce qu’elle en étouffe. Elle veut lui enfoncer ses deux talons aiguilles dans le cul, dans le ventre, dans les seins, dans les yeux. Ce type, là… Il lit, mais il n’a pas tourné une page de son bouquin depuis une demi-heure. Elle l’étranglerait avec sa chemise à rayures à la con jusqu’à ce qu’il ai enfin un vrai érection, lui arracherait la bite et lui enfoncerait dans le cul. Elle aurait une force surhumaine. Elle aurait des ongles comme des griffes, des dents comme des crocs, des plumes d’aciers surgiraient de son corps, un rayon de feu de sous ses paupières, une pestilence mortelle d’entre ses lèvres, un serpent enragé de son sexe sanguinolent. Les douaniers volants passent devant elle et regardant de l’autre côté. Mais ils attendent la nouvelle loi qui.

Un jour, bien plus tard – si elle vit –, elle découvrera la musique et comment la musique sait organiser l’âme – sans l’appauvrir. Maintenant elle fait queue devant le bureau de l’Humiliation Institutionnelle. Avec ses frères et sœurs d’infortune. Avec le bétail abject dont elle voudrait être la rédemption. A coup de.

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à suivre...